Commentaire de l’ordonnance n° 344567 du Conseil d’Etat du 6 décembre 2010, Association promouvoir
Revue Lamy droit de l'immatériel, avril 2011, p. 44, n° 2307
Marc Le Roy
Docteur en droit
www.droitducinema.fr
Le contentieux des visas d’exploitation attribués aux films destinés à être présentés au public vient de connaître une révolution dont le juge du référé du Conseil d’Etat vient de se faire l’écho.
L’article L. 211-1 du Code du cinéma et de l’image animée (CCIA) dispose que la représentation cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa d’exploitation délivré par le ministre de la culture. En règle générale, ce sont tous les films destinés à une représentation publique qui nécessitent l’obtention d’un visa. On peut noter quelques exceptions concernant les projections organisées par les services publics non commerciaux (musées…). Après avoir été plusieurs fois modifié, le régime des visas d’exploitation français s’organise de la façon suivante : le visa peut tout d’abord être refusé. S’il est attribué, il peut être assorti d’une interdiction aux moins de 12 ans, de 16 ans ou de 18 ans, voire obtenir la classification X si le film comporte des scènes pornographiques ou d’incitation à la violence. Enfin, le ministre peut, à son initiative ou sur proposition de la commission de classification, assortir le film d’un avertissement portant sur le contenu ou les particularités de l’œuvre.
C’est donc tout naturellement que la société de distribution Métropolitan Filmexport a demandé et obtenu un visa d’exploitation pour le film d’horreur Saw 3D Chapitre final. Le ministre de la culture a ainsi délivré un visa avec interdiction aux moins de 16 ans assorti de l’avertissement suivant : « ce film comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d'une très grande brutalité, voire de sauvagerie ». L’association promouvoir, qui est à l’origine de la quasi intégralité des jurisprudences récentes du Conseil d’Etat sur le contentieux des visas d’exploitation, décide de contester l’attribution de ce visa devant la juridiction administrative. Comme à son habitude, cette association décide de saisir le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pourvoir mais décide d’assortir ce recours d’un référé suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative pour obtenir la suspension de la décision du ministre attribuant le visa. La requête est enregistrée le 26 novembre et le juge du référé du Conseil d’Etat, en la personne de Jacques-Henri Stahl, organise une audience publique le 6 décembre 2010. Les débats promettaient d’être animés en présence des représentants de l’association promouvoir, du ministère de la culture et du distributeur du film la société Metropolitan Filmexport. Le problème juridique sur lequel les parties avaient déjà formulé leurs observations devait porter sur la fine frontière qui peut exister entre une interdiction aux moins de 16 ans et une interdiction aux moins de 18 ans. L’association faisait notamment valoir, on l’aura compris, que le film faisant débat peut être vu par des mineurs. L’association invoquait ainsi que l’interdiction aux moins de 18 ans aurait été plus appropriée et aurait permis un respect de l’article 227-24 du Code pénal qui dispose que le fait de fabriquer, de transporter, de faire commerce ou de diffuser un message à caractère violent ou pornographique constitue un délit lorsqu’il est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. Le juge devait également se prononcer sur la question de l’effectivité d’un recours en référé suspension contre l’attribution d’un visa d’exploitation. Les amateurs de droit du cinéma et plus généralement de police administrative attendaient donc impatiemment la décision du juge administratif qui promettait de trancher des questions passionnantes. Le juge des référés du Conseil d’Etat se trouva malheureusement dans l’impossibilité de répondre à ces questions pour un simple problème de procédure qu’aucune des parties n’avait décelé : le Conseil d’Etat n’est plus la juridiction compétente en matière de contentieux des visas d’exploitation. Jacques-Henri Stahl s’est en effet vu dans l’obligation de rappeler aux parties les dispositions du récent décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement du juge administratif (I) laissant en suspens des interrogations qui auraient mérité d’être tranchées (II).
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Marc Le Roy
Docteur en droit
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